Une nouvelle journée venait de s'écouler sur la Terre du Milieu, et au couché du soleil, au bord de la rivière Harnen, un semi-homme s'affairait à ramasser des branches pour allumer un feu de camp. Un semi-homme, ou hobbit, n'était d'ailleurs pas une espèce courante dans cette région dominée par les Hommes, et Hildigrim - c'était son nom - était probablement l'un des rares hobbits à avoir jamais réellement quitté la Comté depuis la Guerre de l'Anneau. Il avait voyagé depuis son pays natal jusqu'au Rohan et en Gondor, pour consulter des documents officiels et des archives relatifs à la guerre et à l'histoire des Hommes depuis les temps anciens, dans le but d'écrire un nouvel opus à ses chroniques historiques. Il avait évidemment trouvé ce qu'il cherchait, et après des mois de travail il avait décidé qu'il était temps pour lui de reprendre la route; Hildigrim ne voulait pourtant pas rentrer de suite en Eriador, mais profiter de son passage dans le sud pour visiter encore plus avant les contrées méconnues de la Terre du Milieu: l'Harondor et l'Harrad, pour commencer. Mais présentement, il cherchait du bois.

Au bout de quelques minutes, il en eut récupéré suffisamment pour allumer son feu, et il s'assit sur une souche au bord de la rivière pour profiter de la chaleur qui émanait à présent du tas de brindilles et de feuilles amassées devant lui. Emmitouflé dans une longue cape noire et le visage dissimulé par son capuchon, Hildigrim observait néanmoins les alentours d'un oeil alerte: il savait pertinemment que son feu pourrait attirer d'éventuels ennemis - c'est pourquoi il s'était considérablement éloigné de la grande route - mais dans les terres arides d'Harondor le feu était le seul moyen efficace pour se protéger des bêtes sauvages; il fallait donc choisir soit l'un, soit l'autre. Conscient des dangers potentiels qui l'entourait, il gardait donc la main posée sur la garde de son épée, prêt à dégainer au moindre bruit suspect, et s'était installé derrière un petit amas rocheux susceptible de dissimuler un minimum la lueur de son humble brasier. Il luttait également contre la fatigue qui commençait à engourdir et son corps et son esprit, après le trajet interminable qu'il avait fait dans la journée depuis les rives de l'Anduin, ses courtes jambes ne pouvant le porter sur d'aussi longues distances que celles d'un Homme ou d'un Elfe. Le hobbit tâchait donc de rester éveillé en se secouant régulièrement et en buvant une sorte de cordial très fort qu'on lui avait préparé avant son départ de Minas Tirith.

Après un repas plutôt frugal, il sorti de la poche intérieure de sa veste sa longue pipe en bois qu'il bourra du meilleur tabac hobbit avant de la caler entre ses lèvres et de l'allumer prestement. Satisfait, il sortit alors son journal de voyage de son sac et commença a y écrire d'une plume experte ses impressions sur ce pays désertique qu'il n'avait jusqu'à présent visité qu'une seule fois, en recrachant des ronds de fumée qui se perdaient dans la nuit. Au bout d'un petit moment cependant, un bruit détourna son attention de son journal et ses yeux perçant se mirent à scruter les ténèbres qui se trouvaient au delà de la lumière rougeoyante de son foyer. Hildigrim se leva alors brusquement, laissant tomber son journal à terre, et il dégaina son épée elfique en avançant prudemment vers l'amas rocheux qui le dissimulait. Il lança alors d'une voix rauque: « Qui est là ? Montrez-vous sans attendre ! »

Ses yeux brillaient en reflétant la lumière des flammes, et la lame d'Elenath sembla un instant luire d'un éclat inquiétant.