| Sujet: Je sens de veine en veine une subtile flamme, Meliad E. Faiz. Jeu 19 Avr - 20:56 | |
| Je sens de veine en veine une subtile flamme Déchire ces ombres enfin comme chiffons, vêtu de loques, faux mendiant, coureur de linceuls. Singer la mort à distance est vergogne, avoir peur quand il y aura lieu suffit. A présent, habille-toi d'une fourrure de soleil et sors comme un chasseur contre le vent, franchis comme une eau fraîche et rapide ta vie. Si tu avais moins peur, tu ne ferais plus d'ombre sur tes pas. Déchire les... Entends-tu? Le souffle de ma respiration lente. Tu souhaiterais qu'une lumière dans le cœur te transperce de son éclat, avant l'heure. Le visage avenant, les traits délicats, tes lèvres tremblent et je soupire. Je recueille une ultime supplice, et ton regard de désespoir. Puis de pitié. Tu n'aperçois pas la lame tranchante qui disparaît dans ta peau. La dague s'enfonce si aisément dans ta chair, à présent meurtrie et pourpre. Vive couleur! Abondant liquide! Tes lèvres entrouvertes cessent de trembler. Le flot rouge s'écoule le long du flanc. Tout n'est que silence. Enfin le vent commence à gémir. Je sens son cours impétueux, sauvage, impérieux. La brise caresse les feuilles, faisant mouvoir les ombres. Elles se dispersent, et se dérobent à la vue. Le vent emmène les cris au lointain, aux bordures des bois. Je me redresse, laissant ce corps abrité par les arbres. Les voutes qui joignent le terrestre et l'au-delà, un lieu idéal pour un dernier souffle. Il me faut quitter cet endroit, mon heure n'est point venue. La brise soulève quelques mèches rebelles de ma longue chevelure, comme un halo de noirceur autour de mon visage. Fermant les yeux, humant l'air, j'entends les bruits. J'incline légèrement ma tête, et je cours à toute vitesse. Mes pas ne font qu'un son minime sur les feuilles éparses au sol. Virevoltant, félin, je m'enfonce au plus profond de la forêt, au cœur même de l'ombre. Les arbres, enfin le paysage défile au coin de mes yeux. Le chemin emprunté donne sur une petite clairière dissimulée par d'épais bruissons. Je m'approche près d'un petit cours d'eau, clair et pouvant reflété la lumière de la lune. Déjà les ombres s'épaississent avec la tombée du jour. Je plonge mes mains tâchées de sang dans la rivière. Penché au dessus de l'eau, apercevant mon reflet, je songe. Il m'est à présent difficile d'avoir en esprit les traits de ma proie. Des lèvres tremblantes, certes, comme souvent. Une finesse? Quel éclat dans les yeux, excepté celui bien fade de la résignation. Cependant l'homme s'est défendu. Armes en mains, il s'était dressé devant moi. Fier, jeune, il n'avait pas frémi. Mes deux dagues orientales contre son épée. Trop lourde, manque de vitesse. L'homme avait porté les coups avec rage et volonté, et le combat fut honorable. J'ai cédé quelques pas sous ses assauts, et quelques cicatrices sont visibles près de ma cuisse gauche. Mais son épée n'a point pénétré mon ventre, à l'instar de ma dague. Je sors les lames de leurs fourreaux de cuir. Prenant un drap, et avec minutie, je les nettoie, elles aussi. Mes mains, mes dagues. Le prolongement de mon bras, une union entre le fer et la chair. C'en est presque un rituel. Ce soir, je suis de nouveau seul en ce pays du Rohan. Je ne peux entendre les paroles elfiques, ces quelques vers : « Je sens de veine en veine une subtile flamme, courir par tout mon corps, sitôt que je te vois. Et dans les doux transports où s'égare mon âme, je ne saurais trouver de langue ni de voix. » La mélancolie s'étend à mon cœur. Que d'années n'ai-je passé à errer dans ces bois, et dans d'autres? Bien différents, bien plus hostiles. Toujours agenouillé près de la rivière, mon reflet à peine éclairé. Certes, mes yeux sont d'un bleu intense et clair. Parfois animé de la flamme du désir. Aujourd'hui si vides. Éternel étranger, orphelin, et meurtrier! Loup aux crocs acérés et aux griffes pourpres. Ce soir les étoiles font écho à mon être, distantes, belles, froides. Les lueurs ne se soucient pas de ceux qui les admirent en levant la tête. Elles sont là, accomplissant leur devoir de paraître. J'ai bien eu des désirs, pourtant. |
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