Un sourire éclaira le visage de mon frère. Dans ses yeux d'un gris profond, je cru décerner une immense fierté, mêlé d'une pointe de nostalgie éclairée d'un amour inconditionnel. Il s'approcha de moi, caressant doucement le chanfrein d'Eclat qui frémissait d'impatience à l'idée de partir. Garret laissa sa main descendre le long de son torse pour atteindre sa ceinture, il en tira une magnifique dague au manche en ivoire, gravée en forme de tête de lion. J'attrapais l'objet, laissant mes doigts suivre les formes gravées, insistant sur les crocs luisants de l'animal d'ivoire. « Elle était à notre père, et elle te sera bien plus utile qu'à moi. » Je me tournais vers lui, tremblante d'émotion. Cette arme avait toujours été son bien le plus précieux, unique souvenir d'un père disparu. Je plongeais mes yeux dans les siens, prenant conscience du prix de ma liberté. Lui, mon frère, mon soutien, que j'aimais d'un amour muet, inconditionnel. « Sois prudente petite soeur. » Murmura-t-il.

Un ébrouement de mon cheval me sorti de ma torpeur. J'ouvris les yeux, observant autour de moi, encore hagarde de ce dur retour à la réalité. L'hennissement d’Éclat acheva mon réveil, je pris ainsi conscience de ce qui m'étais arrivé : épuisée par de longues nuits sans dormir, je m'étais endormie en selle. D'un léger coup de rênes, je stoppais Éclat. L'étalon, docile, s’exécuta calmement. Les images de mon rêve encore en tête, je descendis de selle, laissant mes sens s'habiter à l'obscurité. Je me trouvais dans une clairière aux herbes hautes et aux arbres gracieux. Le bruit cristallin de l'eau allant se briser sur les rochers finit de m'indiquer ma position : Je me trouvais à la rivière Harnen, au plein cœur du Gondor, le pays des hommes. Je m'avançais vers le lagon, subjuguée par la beauté de ce lieu. Nichée au milieu de la clairière, la cascade coulait, vive et rapide, j'avais beaucoup entendu parler de cette rivière et jamais je n'aurais imaginé ce lieu si enchanteur.

La lueur bleutée de la nuit donnait à l'eau une couleur d'encre tandis que la lune se reflétait spectralement dans le lagon. Éblouie par la beauté surnaturelle de ce lieu, je passais ma main le long de la robe lustrée de mon étalon, que la lumière ténue de la lune venait caresser. « Cet endroit est magnifique tu ne trouve pas Eclat ? » Pour toute réponse, mon cheval s'ébroua. « Garrett aurait adoré cet endroit ... » Murmurais-je, encore atteinte par ce rêve. Mon frère me manquait tellement. Nostalgique, je m'approchais du lagon, effleurant sa douce surface du bout des doigts. Je me retournais, Éclat broutait l'herbe drue du bord de l'eau. Sans attendre, je m'avançais vers la surface puis pénétrais dans l'eau fraîche du lagon.

L'eau rafraichie par la nuit vint caresser ma peau tandis que mes longs cheveux allaient caresser l'eau bleutée. J'inspirais profondément, indifférente à ma tunique qui collait ma peau et aux frissons réguliers qui l'agitait. Cette sensation grisante me rappela que malgré le manque de mon frère, que malgré la faim et la pauvreté j'avais hérité de ce qu'il y a de plus précieux au monde, la liberté. Et je la chérissais plus que tout au monde. Et, même s'il m'avait fallu fai.re de multiples sacrifices, je ne regrettais pas mon choix.