« un jour, Silmarièn, tu seras maître toi aussi. » les yeux émerveillés de l’enfant regardèrent son père faire un pas vers l’animal. Il était splendide, à la robe noire brillante sous le soleil de la Forêt Noire. Et quel regard ! Le regard d’un cheval à la volonté de fer, qui désirait par tous les moyens garder sa liberté. Pourtant, quand son père s’approcha de la gigantesque bête, il n’esquissa pas un geste. Elle entendant la voix de son père, parlant en elfique à l’animal afin de le rassurer, et sous les yeux de sa fille, Darion Gloredhel posa sa main sur le chanfrein de l’animal, puis, se retourna et se mit à marcher. Le cheval le suivit, aussi docile qu’un chien. Il revint vers elle, souriant. « tu seras, toi aussi capable de parler aux chevaux, Silly. » Et elle de sourire de ravissement. Elle avait à peine sept ans, et possédait déjà un esprit vif, et qui enregistrait tout ce qu’on lui disait.
La cité des arbres de la Forêt Noire se dressait, surplombant les élevages de chevaux, plus au sud dans les plaines. Darion et sa fille revenaient de la ferme que Darion possédait, et ou ses employés élevaient des chevaux pour lui. C’étaient de robustes bêtes, d’abord conçues pour les longues distances, et ensuite pour le loisir. C’était ainsi depuis des générations, et à entendre Darion, Silmarièn prendrait sa relève. Et la petite fille ne cachait pas sa joie quand son père la complimentait sur sa façon de monter à cheval.
Ils finirent par franchir les « portes » et remonter l’avenue principale. En tant que nobles éminents du conseil de la Forêt Noire, Darion Gloredhel et sa femme avaient droit à une modeste villa dans les quartiers riches de la cité. Sa femme, une Haute elfe svelte, était fille d’un riche négociant, par conséquent, elle avait beaucoup voyagé et ne cessait de raconter ses histoires à sa fille, qui, émerveillée, l’écoutait avec la plus grande attention.
Ainsi les jours s’écoulaient. Des jours heureux, des jours baignés dans un soleil d’or, loin de la guerre, loin de tout.


Mais ces jours ne durèrent pas indéfiniment. Silmarièn ne devint jamais maître. Le destin, semblait-il, lui avait tracé une autre voie. Alors qu’elle finissait tout juste son service militaire obligatoire, et qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle, retrouver son père et ses chevaux, elle surprit une conversation. Qu’elle n’aurait jamais dû entendre. Perturbée par les nouvelles, elle rentra néanmoins chez elle, mais ne parvint pas à cacher son désarroi à son père. Elle se confia à lui. « Les elfes quittent la Terre du Milieu … la Guerre est finie. » Le mince sourire qui barra les lèvres de son paternel la laissa plus perplexe encore. Il s’expliqua : « C’est une bonne chose, non ? Que la guerre soit finie. Plus aucun des nôtres ne mourront. » Peu convaincue cependant, Silmarièn objecta : « pourquoi partir pour Valinor alors ? » Il haussa les épaules. « Valinor est notre terre d’origine. Je suppose qu’après tant de morts, ceux d’entre nous qui ont tant souffert veulent rentrer chez eux. » « c’est quelque chose que je ne peux pas comprendre. » Sur ce, elle se leva, et planta là son père. Son incompréhension était grande, et les explications de son père, insuffisantes. Pourquoi partir au lieu de célébrer ?

Elle n’aura jamais la réponse à sa question. Alors qu’elle grandit, l’attrait qu’elle trouvait pour devenir maître des chevaux s’affaibli. L’aventure l’appelle, et elle n’y résiste pas. Ses parents, eux, quittent la Terre du Milieu. La jeune femme, après leur décision, refusera de leur parler, et de leur faire ses adieux. Elle continue à répéter que son chez elle, c’est ici, et non sur une terre dont elle ne connait que le nom. Elle quitte la Forêt Noire alors que celle-ci se vide lentement de sa population elfique. Commence alors, l’épopée qui fera d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. En presque trois mille ans, elle a fait énormément de choses, et il me serait difficile, de relater ceux et celles qu’elle a connu, les batailles dont elle a fait part, dont les plus célèbres restent celles de Gouffre de Helm, ou, suite à la mort subite de Haldir, elle fut promue général des forces elfiques de Fondcombe envoyées au Gouffre, et celle du Pelennor, ou elle s’est jointe aux forces du Rohan, elle et ceux qui restaient du combat de Helm. Elle fut l’une des seules elfes à avoir participé à ces batailles et à être restée en Terre du Milieu. Elle a certes connu Legolas, mais leurs relations sont restées respectueuses ; Aragorn, en revanche, l’a remerciée en personne pour sa contribution. Après la Destruction de l’Anneau, la jeune femme disparut purement et simplement de la circulation. Son peuple déchu n’était plus là, et Silmarièn a préféré se réfugier dans le Nord, auprès des derniers humains ayant du sang de Nùmenor et leur longue vie.

Elle a pour ainsi dire été générale, rôdeuse, messagère, marchande … et à présent, alors que les murmures des arbres sont inquiets, elle refait surface. Seule, certes, mais ses ambitions sont à la hauteur de sa réputation de guerrière chevronnée. Si guerre il doit y avoir, elle compte bien y prendre part. Nul doute que les Hommes apprécieront d’avoir une Elfe âgée de quelque trois mille cent soixante six ans pour affronter à nouveau l’ennemi qu’elle a autrefois aidé à vaincre. Et elle ne le fera pas en tant que soldat.